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La comédienne Victoria Quesnel, des prétoires aux planches, et vice versa

Trente-neuf ans, l’œil vif, le sourire lumineux et la gestuelle bavarde, Victoria Quesnel n’expédie pas les interviews à coups de monosyllabes économes. Son énergie en bandoulière, cette enthousiasmante comédienne s’apprête à jouer, dès le 15 juillet, au Festival d’Avignon dans Léviathan, un spectacle conçu et mis en scène par Lorraine de Sagazan.
Voici quinze ans que Victoria Quesnel est actrice. Un métier choisi après une suite de ricochets. Naissance à Rennes, enfance à Reims (Marne), puis à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), terminale à Strasbourg, études de droit à Bordeaux. Mais c’est dans une librairie, en feuilletant les pages d’Oncle Vania, de Tchekhov, que cette nomade, qui aimait faire la fête – « J’étais une caricature de surfeuse » –, a su où elle se fixerait. Ce sera le théâtre, dont elle affirme avec vigueur : « Il est toute ma vie. » Après un passage par le conservatoire de Bordeaux, elle intègre, en 2006, l’Ecole du Nord, à Lille. Trois ans d’une immersion fondatrice – « la sève démarre là » – en compagnie d’une promotion d’exception, dont émergent deux metteurs en scène de talent.
La première, Tiphaine Raffier, la dirige dans deux spectacles (La Chanson, en 2012, puis Dans le nom, en 2014). Avec le second, Julien Gosselin, elle signe pour une aventure au long cours en fondant, en 2009, à ses côtés le collectif Si vous pouviez lécher mon cœur. L’été 2013 sonne l’heure de la renommée pour une compagnie tout juste sortie du nid. La troupe galvanise le public d’Avignon avec Les Particules élémentaires, d’après le roman de Michel Houellebecq. Victoria Quesnel prend alors la mesure du sacerdoce (heureux) qui l’attend : « Il y a eu deux cents dates de tournée. J’ai compris ce qu’impliquait une vie de comédienne : le travail, l’énergie et le temps. »
La bande d’acteurs de Julien Gosselin vient de faire effraction sur les scènes. Ils sont turbulents, volubiles, physiques, ils captent l’œil des caméras qui voltigent autour d’eux, ils se déhanchent sur des musiques tonitruantes, ils hurlent à plein poumons s’il le faut, et sanglotent quand leur rôle l’impose. Leur jeu est d’un naturel confondant, leurs slaloms dans les émotions impressionnants de vérité. Gosselin sait les pousser dans leurs retranchements.
Sous sa conduite, Victoria Quesnel traversera les univers d’écrivains hors norme – Don DeLillo, Thomas Bernhard et, surtout, ce joyau noir : Le Passé, d’après Leonid Andreïev, en 2021. Un spectacle incendiaire, dans lequel l’actrice fait bloc avec l’intériorité de l’héroïne. « Le Passé m’a guérie. J’ai pu sortir de moi des terreurs que je mettais sous le tapis », raconte-t-elle. Sur le plateau, elle irradie. Pascal Rambert, qui la voit jouer, lui taille un rôle sur mesure dans sa pièce Finlandia, en 2024 : « Je rêvais de travailler avec lui », s’enthousiasme celle qui s’est sentie « à la maison » dans les mots de l’auteur et metteur en scène.
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